JEAN LÉONARD VIOLET
ET LE NOUVEAU VILLAGE DE GRENELLE
(Michel PÉRIN/Bulletin n°41)
Jean Léonard Violet (1791-1881) avait trente-trois ans quand, le 15 mai 1824, avec son ami Alphonse Letellier, il acheta à César Ginoux la plus grande partie de ce qui restait de la plaine de Grenelle. Il avait déjà à son actif deux opérations immobilières, dont le lotissement d’un terrain situé faubourg Poissonnière, où il avait tracé une première rue à laquelle il avait donné son nom et qui est aujourd’hui la rue Gabriel Laumain (Xème arrondissement). Il est vrai que cela se passait sous la Restauration, à une époque où le gouvernement, faute de moyens financiers, encourageait les initiatives privées dans le domaine de l’urbanisme.
Mais à Grenelle il s’agissait un projet beaucoup plus ambitieux, qui consistait à créer de toutes pièces, sur 105 hectares, un vrai village à la fois résidentiel, commerçant et industriel. Le terrain, qui était hors des murs de Paris et dépendait à la commune de Vaugirard, fut découpé, par un réseau orthogonal de rues, en 250 parcelles d'un arpent (un tiers d’hectare), qui furent aussitôt mises en vente. Parmi les acheteurs, on note le maire de Vaugirard, Antoine Fondary, avec qui Violet aura d’excellentes relations, et deux banquiers, Louis Perrée et Anselme Guillot. Violet se fera construire une belle maison, englobée aujourd’hui dans la caserne de sapeurs-pompiers.
Les années suivantes, il obtiendra de l’état l’adjudication de l’aménagement du quai de la Seine, avec un pont, une gare à eau courante et un port de marchandises, avec le droit de percevoir des péages. Il décidera ensuite la construction de l’église Saint-Jean Baptiste, et d’un théâtre. Mais ces aménagements vont entraîner une détérioration des relations entre Violet et les conseillers municipaux de Vaugirard, au point qu’une séparation allait devenir inévitable. Ce sera chose faite par ordonnance du 22 octobre 1830. Pour mettre un terme au conflit soulevé à propos de la future délimitation des deux communes, il faudra que le Conseil d’État décide lui-même d’un tracé complexe, qui englobera le théâtre dans Grenelle mais laissera à Vaugirard son cimetière.
Jean Léonard ne sera pas maire de la nouvelle commune. Depuis deux ans, soit pour des raisons financières, soit à la suite du décès de sa première épouse, Marie-Anne Fondanèche, il s’était effacé, au profit des deux banquiers. D’ailleurs, le nouveau Grenelle était devenu très différent du projet initial, du fait de la crise économique et de l’arrivée massive de nouveaux habitants pauvres. Mais il restera conseiller municipal jusqu'à l’annexion de 1860. Il mourra trente ans plus tard, veuf pour la troisième fois, dans une petite maison au n° 12 de la rue Violet.