HISTOIRE DES HÔPITAUX NECKER
ET DES ENFANTS MALADES
(Jacques Couvreur/Bulletin n° 8)
Ce qu'on a appelé le Siècle des Lumières n'a pas été sans ténèbres. En particulier la situation sanitaire du Royaume à la fin du XVIIIe siècle peut nous apparaître aujourd'hui comme assez effrayante. Selon un rapport détaillé de Tenon, un grand chirurgien de l'époque, on comptait à Paris vers 1780, 48 hôpitaux ou maisons de charité dont 22 pour les seuls malades. On y prenait soin journellement de 35.341 sujets dont 6.256 malades, 14.105 invalides et 15.000 enfants trouvés. Il y avait aussi 28.000 à 30.000 mendiants. Les enfants étaient hospitalisés avec les adultes. À l'Hôtel-Dieu, l'établissement le plus important, on accouchait chaque année 1.625 femmes, avec une mortalité de 7%.
Louis XIV avait bien fait construire de grands hôpitaux : la Salpêtrière, Notre-Dame de La Pitié, Bicêtre, mais il s'agissait de réaliser "le grand enfermement" (1657) c'est-à-dire essentiellement de maintenir les mendiants, souvent indésirables, groupés et sous haute surveillance à une époque où on avait compté 15 à 20 meurtres chaque nuit dans la capitale. Il n'est que de lire Sébastien MERCIER pour revivre cette atmosphère d'insécurité et de désordre qui régnait à Paris. 0n adjoignait à ces mendiants d'autres "indésirables": sodomites, prostituées, filles-mères, alchimistes, vénériens, libertins et blasphémateurs.
Dans un rapport au roi LOUIS XVI, "Monsieur NECKER" signale avoir "trouvé à l'hôpital de Bicêtre neuf vieillards dans un même lit enveloppés dans leur linge corrompu". Dans ce contexte, en cette fin de l'Ancien Régime, le pouvoir n'était pas inactif. C'est précisément à cette époque que furent fondés deux hôpitaux : LA CHARITÉ SAINT-SULPICE aujourd'hui hôpital NECKER et l'HÔTEL ROYAL DE L'ENFANT-JÉSUS, l'actuel hôpital des ENFANTS MALADES. Ces deux hôpitaux vont être sous certains aspects à la racine de la modernité dans une période où l'être humain devient la mesure de toute chose et où la santé va rejoindre la justice et la sécurité dans ses préoccupations. Cet article se propose d'examiner comment ces deux établissements ont été les véritables fleurons d'une révolution sanitaire sans précédent, l'un comme premier hôpital de soins, l'autre comme premier hôpital pour enfants.