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L'INTROUVABLE USINE MAILLE

DE LA RUE VIOLET

(Michel DEBONNE/Bulletin n° 24)

Chez les Maille, à chaque génération, les fils aînés étaient prénommés Antoine-Claude, en hommage au fondateur de cette dynastie de distillateurs-moutardiers-vinaigriers dont l'enseigne, célèbre dans le monde entier,aura bientôt trois cents ans d'existence.
Antoine-Claude Ier connut la célébrité durant la grande peste de 1720 qui fit à Marseille près de 500.000 morts. Maille intervint en pleine épidémie en faisant distribuer un vinaigre antiseptique de sa fabrication fondée sur une recette peu connue dite "des quatre voleurs" auquel les survivants attribuèrent leur protection.
Cette auréole l'accompagna lorsqu'en 1747, il s'installa à Paris dans le quartier Saint-André des Arcs où il fabriqua moutardes et vinaigres que des colporteurs au bonnet rouge allaient vendre dans les rues.
Son fils Antoine-Claude II renforça la réputation de la maison Maille et lui donna une ampleur industrielle. Il acquit l'immeuble dont dépendait l'atelier d'origine et bientôt ouvrit un magasin fort couru. De plus, son esprit inventif l'aida à accroître et diversifier ses fabrications destinées à la cuisine, à la toilette ou à la santé, parées de noms poétiques, pratiques ou mystérieux. Telle la moutarde souveraine contre les engelures qu'il fit distribuer aux pauvres de la capitale lors d'un hiver rigoureux, ou le vinaigre Romain qui blanchit les dents, celui qui ôte toutes sortes de boutons, celui qui assure une parfaite guérison des cors, et le plus célèbre le Vinaigre de pucelle pour les dames. 
Face à la concurrence, ce Corneille de la moutarde, comme l'avait surnommé Grimod de La Reynière, ce coryphée des vinaigriers, dont l'avait affublé Louis-Sébastien Mercier, sut habilement utiliser les journaux pour y publier des réclames à sa gloire. Devenu le fournisseur des Cours européennes, il obtint l'autorisation d'orner ses étiquettes des armes ou blasons du Roi de France, de la Reine-Impératrice de Hongrie et de Catherine II de Russie.
Entre temps, la boutique artisanale et l'atelier de la rue Saint-André des Arcs ont disparu pour renaître en 1850, 50 rue Violet dans le XVème arrondissement sous la forme d'une ''usine moderne à vapeur'' qui produisisit jusqu'au début du XXème siècle moutardes, vinaigres, eau de Cologne et chocolat...
Après diverses fusions, absorptions, créations et rapprochements croisés de filiales aux vocations diversifiées, la descendance d'Antoine-Claude s'éclipsa et disparu de l'organigramme de de la maison, mais le nom de la marque qui a traversé et survécu aux monarchies, empires, républiques, à cinq guerres européennes et deux guerres mondiales, demeure toujours célèbre.

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Tableau des Maîtres Distillateurs, Limonadiers et Vinaigriers de Paris, faubourgs et banlieues, enregistrés pour l'année 1777. Ils sont seuls autorisés à exercer leur profession. Sur le tableau de droite, sont indiquées les années de leur réception. En 1742, on relève le nom du fils Maille, Antoine-Claude, Vinaigrier ordinaire du Roi

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