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Le XVème arrondissement dans l'œuvre de

Patrick Modiano

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le roman de Patrick Modiano, "Dans le café de la jeunesse perdue" (Gallimard), date de septembre 2007. Tout le monde sait que cet auteur est considéré comme l'un des écrivains majeurs de sa génération. On sait aussi que, si le romancier est attaché à Annecy et sa région*, « les rapports qu'entretient Modiano avec Paris dépassent largement le simple attachement d'un écrivain pour une ville. La chair de Paris l'a nourri et formé. C'est à son contact que son univers s'est ébauché et a pris un sens. » **. Et il est passionnant de suivre les personnages de ses romans, en particulier du dernier en date, dans les différents quartiers de Paris, entre autres dans le XVème arrondissement.


Certes, ce n'est pas la première fois que dans un roman de cet écrivain on se trouve, on rôde même pourrait-on dire, dans le XVème. Qu'on pense, en particulier, à la Ronde de nuit (1969), roman dans lequel, par opposition avec la rive droite qui est le fief de la collaboration, le XVème est le secteur des résistants. Mais dans son dernier roman, l'auteur évoque de façon particulièrement intéressante notre arrondissement.

En lisant Le café de la jeunesse perdue, on découvre qu'il n'est pas encore une de ces « zones incertaines au tissu urbain un peu vague à la lisière de la ville » où il s'esquisse une nouvelle frontière aussi floue qu'imaginaire**, mais on n'en est pas loin puisque, « au-delà du cimetière Montparnasse », on habite « dans les limbes. » (page 29).

Toutefois, dans le XVème même, nous sommes dans une zone "neutre" : « il existait à Paris des zones intermédiaires, des no mans lands où l'on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens. On y jouissait d'une certaine immunité. J'aurais pu les appeler zones franches, mais zones neutres était plus exact (…) Le square Cambronne et le quartier entre Ségur et Dupleix, toutes ces rues qui débouchaient sur des passerelles du métro aérien, appartenaient à une zone neutre et ce n'était pas un hasard si j'y avais rencontré Louki. » (pages 109 et 110). Pour les héros de Modiano il n'est pas facile, il est même parfois « difficile de vivre dans une zone neutre. Vraiment, il valait mieux se rapprocher du centre. » (page 120). Et dans le XVème, Paris, comme souvent chez Modiano, prend « des allures exotiques, étranges, parfois hallucinatoires. » **

Suivons Louki et le narrateur : « Nous marchions sous le viaduc, le long du boulevard de Grenelle. Elle m'avait proposé de suivre à pied cette ligne de métro aérien qui menait à l’Étoile. Si elle se sentait fatiguée, elle pourrait toujours faire le reste du chemin en métro. Ce devait être un dimanche soir ou un jour férié ; il n'y avait pas de circulation, tous les cafés étaient fermés. En tout cas, dans mon souvenir, nous étions, cette nuit-là, dans une ville déserte (…) À la station Bir Hakeim, je me suis demandé si elle allait prendre le métro ou alors si elle voulait encore marcher et traverser la Seine. Au-dessus de nous, à intervalles réguliers, le fracas des rames… » (pages 101 et 103). Ils se promènent aussi allée des Cygnes : « elle s'est engagée dans l'escalier et je l'ai suivie (...) En bas, nous suivions l'allée des Cygnes. De chaque côté la Seine et les lumières des quais. Moi, j'avais l'impression d'être sur le pont-promenade d'un bateau échoué en pleine nuit. » (pages 103 et 104). Encore cette atmosphère étrange chère à l'auteur, et d'autant plus floue ici qu'il s'agit d'un souvenir.

Le square Lowendal, la rue Alexandre Cabanel, sont des lieux importants dans le roman puisque c'est là que Guy de Vere organise ses réunions et là aussi que les « chemins » de Roland et de Louki « se sont croisés » (page 99 sq). Donc le XVème  arrondissement joue un rôle essentiel dans le déroulement de l'action.

Avec Jean-François Dupont nous pouvons conclure que « le Paris de Modiano » (et en l'occurrence le XVème arrondissement), « est une planisphère personnelle ; à la fois itinéraire d'une vie et tremplin vers l'imaginaire, lieu de toutes les incertitudes et pourtant ultime refuge. », et que « le Paris modianesque est si dense dans son "incertaine précision" qu'il s'est définitivement fondu dans le Paris réel. » **

Si la rive droite est souvent plus rassurante pour Modiano, la rive gauche, et singulièrement le XVème, l'attire comme un aimant.

 

* Georgette Chevallier, À propos d'un pedigree de Patrick Modiano : Patrick Modiano et la Savoie, in La Revue Savoisienne, 2004, pp. 342 à 351, et rectificatif ibid 2006 p.300)

** Jean-François Dupont, Patrick Modiano et le temps fragile, catalogue d'une exposition au château des Allymes, Ambérieu-en-Bugey, 2002.

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